La taxidermie anthropomorphique
Des chatons morts qui partagent du thé et des muffins. Des hamsters morts jouant au cricket. Des lapins morts qui trichent à une interrogation de mathématiques. Comment ces scènes de magie morbide et comique ont-elles pu voir le jour ?
C'est le mariage de la réalité et de la fantaisie : les passions victoriennes pour la fantaisie et l'histoire naturelle se rejoignent dans une forme d'art irrésistible : la taxidermie anthropomorphique.
La mort et le deuil possédaient les Victoriens, une société inextricablement liée à leur fidélité au passé. Les rituels d'expression du deuil obéissaient à des règles strictes, souvent mises en œuvre à une échelle exorbitante. Après la mort du prince Albert en 1861, la période de deuil de la reine Victoria, qui s'est poursuivie jusqu'à sa propre mort, a inspiré toute une vague d'influences artistiques. De la galvanoplastie des morts à la fabrication d'ornements à partir de parties de leur corps, les Victoriens ont commémoré leurs proches avec des souvenirs post-mortem qui semblent macabres ou carrément pervers pour notre culture moderne sensible.
Walter Potter (1835-1918), fils d'aubergiste anglais et probablement le taxidermiste anthropomorphe le plus connu, est passé de la conservation de ses propres oiseaux morts à la création d'une collection inégalée de milliers de bêtes empaillées portant des vêtements humains. On pense que Potter n'a utilisé pour ses créations que des animaux précédemment décédés, donnés par une ferme locale. Ploucquet a peut-être inspiré son travail, mais Potter était un amateur autodidacte. Il créait son art pour le plaisir, en se basant sur la fantaisie et les contes de fées plutôt que sur la précision technique et l'allégorie des personnages.
À 19 ans, Potter a passé sept ans à créer son chef-d'œuvre, "The Death and Burial of Cock Robin" (La mort et l'enterrement du coq merle), qui met en scène 98 espèces d'oiseaux. En 1861, il ouvre son musée privé à Bramber, dans le Sussex, où il expose ses dioramas complexes, dont une fête de mariage pour chatons et un repaire de rats perquisitionné par la police. Même les scènes dangereuses conservent leur tendresse et leur humilité. Là où Potter manquait de précision anatomique, il dominait par des détails inégalés, des bijoux et culottes froufroutantes des chatons aux petites carafes de brandy fantaisie des écureuils.
Les tableaux de Potter, empreints d'une gaieté affable, atteignent des sommets de singularité grâce à ses mutations génétiques, comme les chatons à huit pattes et les agneaux à deux têtes. À la fin de sa vie, le musée de Potter contenait une collection de 10 000 spécimens, qui est restée intacte sous différents propriétaires jusqu'à ce que le Walter Potter's Museum of Curiosities soit vendu aux enchères en 2003 au Jamaique à 500,000£.
Ploucquet et Potter ont assouvi la passion victorienne pour la nature sous sa forme anti-naturaliste. Ils ont exploité une force bestiale sauvage et en ont fait un produit kitsch, où la fantaisie l'emporte sur la morbidité de la situation.
Traduit du site : https://www.atlasobscura.com/articles/anthropomorphic-taxidermy-how-dead-rodents-became-the-darlings-of-the-victorian-elite