Reportage Le Parisien : Cette jeune Parisienne met en scène et vend… des rats empaillés

Publié sur Le Parisien 22.10.2022

Un rat empaillé déguisé en fantôme, une souris grimée en chef façon Ratatouille, le rongeur vedette de Pixar, deux souris sur une balançoire, un rat en chevauchant un autre dans une mise en scène ambiguë… Bienvenue dans le monde de Ratapoulpe, jeune taxidermiste parisienne spécialisée dans les rongeurs. « Poulpe, c’est mon surnom, précise l’artiste. Et Rata, un clin d’œil à Ratatouille ! »

«J’ai toujours été fascinée par les animaux morts»

Cela fait près d’un an que cette délicate jeune fille, s’est parallèlement lancée dans la taxidermie de rats et souris. « Petite, j’ai toujours été fascinée par les animaux morts, les cadavres. Je me souviens d’un rat mort que j’avais trouvé avec mon frère. Il était plein de vers. Ça m’excitait ! »

Ratapoulpe a fait de cette curiosité un hobby, vidant elle-même les rongeurs, les empaillant, les mettant en scène, les costumant… L’artiste les vend sur le site Leboncoin, entre 40 et 110 euros. « À des femmes majoritairement, souligne l’artiste. Elles cherchent un cadeau marrant. ». Ratapoulpe détaille également sa démarche artistique sur Instagram.

Une trentaine de rongeurs dans son congélateur

Si la jeune taxidermiste spécialisée en rongeurs est a priori la seule à Paris, il y a quand même une petite concurrence en France. Ainsi, sur le site Etsy, on peut acheter une souris stripteaseuse empaillée (120 euros), un rat magicien luminescent, un couple de souris mariées, un rat d’opéra en tutu… « Aux États-Unis, assure Ratapoulpe, une taxidermiste de rongeurs s’est fait une fortune. »

Ratapoulpe confesse avoir appris le métier « de l’anatomie, de la science et de la biologie » sur le tas. « Je me suis renseignée sur Internet, sur des forums. J’ai regardé des vidéos de dissection sur YouTube ». Et de préciser : « Si je n’avais pas été dans la finance, je serais peut-être devenue chirurgienne ! » Question approvisionnement, la jeune femme dit acheter ses bêtes « directement congelées dans des animaleries qui fournissent les propriétaires de serpents, comme la Ferme Tropicale (XIIIe) ».

Son deux-pièces du XIVe arrondissement se transforme alors en bloc opératoire. « Je fais ça sur mon bureau, dans ma chambre ! » Jusqu’à une trentaine de rongeurs attendent sagement dans son congélateur. « Ça ne laisse pas beaucoup de places pour le reste », confie la jeune femme.

Ratapoulpe a aussi ses détracteurs

Des amis, piqués de curiosité, sont venus rendre visite à leur amie reine du scalpel. « Certains ont dépecé un animal », sourit la jeune femme, qui précise que « pour la colonne vertébrale, j’utilise de la pâte à modeler ». À l’intérieur, de la ouate et du talc. Au total, il faut « entre deux et cinq heures » pour empailler et mettre en scène le rongeur.

Son travail a quelques détracteurs… « Il est regrettable que la démarche artistique de Ratapoulpe consiste à tuer ou utiliser des animaux morts pour faire de la déco », décrypte sans détour Amandine Sansivens, cofondatrice de Paris Animaux Zoopolis (PAZ), l’association de lutte contre la souffrance animale sur la capitale. « L’art est un levier pour faire évoluer la bataille culturelle de la condition animale et non l’inverse », poursuit-elle.

Chez Deyrolle, l’emblématique et incontournable taxidermiste parisien, magnifique cabinet de curiosités de la rue du Bac (VIIe), on s’embarrasse moins de ces considérations… « Certains artistes travaillent sur la taxidermie. Le rat comme objet d’art, pourquoi pas ? L’art a pour fonction de faire se poser des questions. » Le grand spécialiste lâche cependant que côté savoir-faire, « ce métier ne s’improvise pas. Ce n’est pas un hobby. Il y a un CAP de taxidermiste… »

«On est un peu un monde d’ours renfrognés ! Et il faut des esprits nouveaux»

Au Syndicat des taxidermistes naturalistes de France (STNF), fondé en 1966, Vincent Cousin — « J’ai fait de la panthère des neiges et de l’ours » ― salue l’initiative artistique. Reste qu’« un petit stage, ce serait pas mal », s’exclame l’artisan, meilleur ouvrier de France dans sa catégorie.

Représentant officiel des taxidermistes, ce dernier pointe « un métier qu’il faut dépoussiérer », un univers d’hommes, « de trophées de chasse montés sur bois », de souvenirs de safari pour les plus riches, « principalement des gazelles et des antilopes ». « Alors oui ! On est un peu un monde d’ours renfrognés ! Et il faut des esprits nouveaux, de la créativité, un peu de loufoque et… des femmes ! »

Previous
Previous

Reportage Closer : "J'aime transformer des souris en créatures éternelles"

Next
Next

Qu’est-ce que la taxidermie ?